C’est la mousson !

Si Juillet est traditionnellement le mois de la rentrée des classes pour tous les élèves dans le Nord de l’Inde, c’est aussi le mois où la mousson arrive. Espérée d’une manière générale et surtout après les très fortes chaleurs endurées durant les mois de Mai et Juin, elle est aussi parfois redoutée, tant elle peut être violente dans certaines régions. Chez Project WHY, les enfants l’accueillent avec un sourire salvateur même si elle cause quelques dégâts dans les toitures des centres et dans leurs habitations déjà modestes !

Retour en arrière…

Mai fut décidément un mois bien chargé pour Project WHY. En effet, les centres éducatifs d’Okhla et de Khader recevaient le 8 Mai, la visite de 50 étudiants de l’Ecole de Commerce ESSEC de Cergy-Pontoise : ils étaient en voyage d’étude avec leur Professeur d’Economie pour comprendre les différents challenges de l’urbanisation de New-Delhi, la capitale indienne aux 22 millions d’habitants. Et l’éducation en milieu bidonville en est un ! C’était l’occasion pour Anou, Fondatrice du Projet, d’échanger avec ces jeunes étudiants français et de retracer près de 20 ans d’épopée urbaine dans les bidonvilles du Sud de Delhi. Rappelons également que chaque année, Project WHY accueille en Juillet/Août des étudiants volontaires de SARI, l’association « Inde » de l’ESSEC.

Anou

Vous connaissez son nom. Vous la voyez régulièrement dans nos nouvelles. Vous l’avez peut-être même croisée à Delhi en train de courir entre deux centres. Oui, nous parlons bien d’Anou, la fondatrice de Project WHY. Mais connaissez-vous son histoire ?

Anou est une indienne dont la famille s’était établie à l’Ile Maurice. Son père devenant l’un des premiers diplomates de l’Inde indépendante en 1947, Anou a grandi de part et d’autre du monde, de « valise en valise ». Bénéficiant d’une éducation dans les meilleures écoles, le Français est quasiment sa première langue. Plus tard, elle enseignera à l’Alliance Française de Delhi et deviendra également l’interprète dans notre langue de Rajiv Gandhi, Premier Ministre Indien. Au décès de ses parents, premier choc, Anou se rend au village natal de sa famille, dans le Bihar, un des états les plus pauvres du pays. Deuxième choc : une rencontre bouleverse sa vie, celle de Manu dont nous vous parlions dans nos nouvelles précédentes. Manu est alors un jeune mendiant, souffrant d’un handicap mental et physique important, rejeté de tous et livré à lui-même dans les rues de Delhi.

Privilégiée socialement, Anou décide alors de rendre à l’Inde ce que l’Inde lui avait donnée :
c’est ainsi qu’elle décide de créer Project WHY pour donner un abri digne de ce nom à Manu et de l’éducation aux enfants des bidonvilles environnants.

Anou rencontre différentes communautés défavorisées, souvent « hors-castes ou intouchables », des migrants économiques du Bihar aux Gitans/Lohars ferronniers établis par erreur à même le trottoir. Elle leur explique son projet, ils lui soumettent leurs souhaits de donner un minimum d’éducation à leurs enfants. Son crédo ? agir sur place, dans les bidonvilles et avec l’appui des communautés. C’est un premier centre qui s’ouvre à Giri Nagar en 2000, puis à Okhla. Mais tout cela coûte toujours un peu plus d’argent, au fur et à mesure que le nombre d’élèves et d’éducateurs augmente… et que le projet rencontre du succès. Après avoir investi sur ses biens personnels, Anou devait compter aussi sur la famille, les amis, mais rien n’est plus difficile que de demander des financements : des partenariats se nouent alors au fil des rencontres et c’est ainsi qu’Enfances Indiennes se crée fin 2002 pour devenir opérationnelle dès Janvier 2003 et soutenir Project WHY. Petit à petit, un écosystème se crée autour d’elle et de ce projet qui grandit, accueillant de plus en plus de monde…

Et pourtant, Anou se confronte à un problème qu’elle n’aurait pu imaginer. Car donner des outils à des gens pour s’éduquer, s’élever, devenir autonome, ne plaît pas à tout le monde, dans un pays où le système social régi par les castes semble perdurer. Vouloir améliorer la société et l’égalité des chances, s’accompagne aussi de changements nécessaires que beaucoup rejette. En 2005, cette opposition est si forte qu’un des centres de Project WHY est détruit : un bulldozer arrive et rase tout…

Qu’auriez-vous fait ? Qu’auriez-vous fait face à la destruction de 5 années de votre travail ? Face à la suppression des chances d’enfants déshérités d’avoir un accès à l’éducation ?

Anou est dotée d’un caractère bien trempé et d’une grande force de conviction. Elle s’est relevée et en est sortie plus forte. Project WHY a maintenant plus de 19 ans d’existence, et gère 6 centres à Delhi et 1 à Dehradun : il accompagne chaque année plus de 1.000 enfants, une centaine de femmes en formation professionnelle, et des dizaines de jeunes ou adultes handicapés dont s’occupe plus spécialement sa fille Shamika. Il génère aussi près de 50 emplois à temps plein pour différentes communautés.

Au départ, Anou n’était pas destinée à cela mais tel était son destin ! Sortir de sa zone de confort, braver les épreuves pour se lancer dans la plus grande et la plus belle aventure de sa vie : changer et améliorer celle de milliers de personnes… Chapeau Anou !

Enfances Indiennes est fière de faire partie de cette aventure de solidarité humaine depuis 17 ans maintenant !